On croit souvent connaître ceux que l’on côtoie. Ce que l’on sait d’eux n’est que le fruit de la réminiscence des moments partagés et des émotions qui en découlent. En livrant « Toute de noir vécue », Catherine dévoile les matériaux qui la composent et les outils qui l’ont façonnée, apportant les éléments tangibles de sa construction, tant par l’action d’autrui, que par sa propre influence sur le cours de sa vie. Elle nous amène à nous questionner en termes de subjectivité sur le rapport à l’autre : ne peut-on exister qu’en fonction du regard d’autrui, ou bien de celui que je lui laisse porter sur moi ?
Le théâtre de la vie prend ici les aspects d’une épopée homérique. Une odyssée des temps modernes, dans laquelle le vaillant guerrier, tourmenté par les affres d’une bataille précoce, opposition de forces inégales dans le monde de l’insensé, aspire au repos, qui, pour lui prend les traits de l’abstraction, lui qui n’a connu que l’affront et le combat.
Un acteur principal aux multiples rôles : tantôt Ulysse, brave et conquérant, curieux ayant soif d’inconnu, savourant plaisirs terrestres et chant des sirènes, enfermé dans la grotte du cyclope avant de s’en libérer par la ruse inconsciente, poursuivant ses chimères pour les ignorer avec dédain quand elles se révèlent en réalité, dans les bras de Circé envoûté par sa magie jusqu’à mourir d’ennui, puis Pénélope, en attente de lui, doutant parfois de son existence, courtisée et délaissée, mais aussi Télémaque à la recherche sans fin de ses géniteurs, l’auteure ici nous montre que nous ne sommes pas qu’un et que le repos du guerrier n’a de sens que si le combat le précède.
Je connais Catherine depuis 1979, considérant que cet être qui m’est proche n’est pas ce qu’il est sans avoir jamais été éprouvé, mais l’élégance de notre relation réside dans le fait que seul ce qui est livré est définitivement délivré. Toutes ces révélations a posteriori me confortent dans la compréhension que j’ai toujours eue de la véracité de notre relation basée sur le respect de l’autre tel qu’il se présente, et la jouissance du moment présent.
Je souhaite longue vie à cette publication porteuse d’espoir, témoignage au grand jour des affres secrètes du quotidien nocturne, qui, je n’en doute pas, interpellera bon nombre d’entre nous.